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 À fleur de pot

écrivainpoème d'hiver
Cassandre
Cassandre
Messages : 11
Date d'inscription : 08/08/2019
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Mer 4 Aoû - 17:47

Aucun bruit, juste le silence, (et les quelques sons des gouttes dégoulinantes). Il n'y avait personne. Aujourd'hui n'était pas une journée pour sortir, pourtant, j'avais bravé la pluie pour te voir. Elle tombait depuis la nuit en fines particules d'eau. La terre était mouillée par les larmes versées, chutant avec grâce, chuchotant le malheur, roulant le long des joues et des pierres. Les arbres au feuillage d'été laissaient place à celui d'automne. Un feuillage coloré et pourtant si triste. J'aurais pu comparer mes sentiments aux feuilles emportées par le vent, ces feuilles mornes à l'opposé du printemps. Tristes.
Des herbes folles avaient poussé depuis la dernière fois que j'étais venue. Cela datait maintenant de deux semaines et cinq jours exactement. Le portail d'entrée donnait des signes de faiblesse. Il est probable que bientôt, on ne puisse plus le refermer. (s'il accepte de s'ouvrir une nouvelle fois). L'allée principale était toute chamboulée. Le sol devait avoir été victime du temps, lui aussi, et les rides nouvelles, creusées sur son visage, confirmaient mon hypothèse. Je te voyais déjà, à peine le portail passé. Tu étais presque à l'autre bout. Je devrai tout traverser. J'empruntais les chemins (enfin j'appelais "chemins" les morceaux de terres inexploités), et j'arrivais devant toi après de multiples virages et beaucoup d'enjambements. Nous étions réunies, face à face. Je m'étais préparée à cette rencontre. Je pensais pouvoir affronter la réalité des choses. Je pensais que je pourrais... Puis arrivée là, je voulais fuir. Te fuir, parce que je préférais me bercer dans mes illusions, me dire que tu rentrerais avec moi ce soir. Mais quand je te vois dans ce décor, je sais que tu ne rentreras pas. Tu m'as quittée. Tu me laisses, seule.


Les minutes s'écoulent. Le silence se fait pesant. Il en vient à m'entêter comme cette comptine que tu aimais fredonner et qui me plaisait tant. J'avais envie de te dire tout ce que j'avais sur le coeur mais je ne pouvais pas. J'en étais totalement incapable. Bloquée devant toi, bouche béante, je n'arrivais ni à sortir un son, ni à détacher mes yeux de toi. J'arrivais seulement à retenir mes larmes, mais j'aurais préféré les laisser couler. Tu me manques tellement. J'aurais voulu te le dire. Mes tentatives pour essayer de briser le silence étaient vaines. Je voulais parler de cette fameuse soirée où tu étais partie. Ce que tu m'as laissé, ce sont des mots amers, méticuleusement choisis pour me blesser. Tu me les as lancés au visage avec rage. J'aurais pu croire à une de nos disputes passagères même si tu pensais tes mots. Tu pensais chaque mot. Et ce que tu m'as dit a claqué dans ma tête en même temps que la porte. Depuis, l'écho de tes paroles se répercute souvent. Mais je ne t'en veux pas. Après tout, c'était comme ça entre nous. Nous étions fortes pour se lancer des paroles vexantes l'une à l'autre. Nous nous blessions, nous nous aimions. Le "nous" me paraît lointain aujourd'hui. Je t'aime et je t'ai blessée. J'aurais voulu que tout se passe comme d'habitude. J'espérais que tu rentres. Je pensais que tu reviendrais, tu revenais toujours. Pourtant, tu n'es jamais revenue.

Autour de nous il n'y avait que des gens comme toi et moi. Des infortunés, malheureux à cause de la vie cruelle que nous vivons. On aurait voulu un monde plus beau, plus heureux, où on aurait été avec ceux qu'on aime, pour toujours. Mais cet eldorado aux belles couleurs ne peut être que trompeur et nous ne pouvons demander l'impossible. J'étais rêveuse. Mais j'ai compris ce qu'avait réellement le sens de la vie, grâce à toi. Tu m'as ouvert les yeux. J'aurais préféré les garder fermés encore longtemps. J'aurais voulu que le temps s'arrête. Le temps, c'est le problème et le remède à tous les maux. Mon mal, c'est de ne pas avoir trouvé les mots momentanément pour te retenir, alors rien ne serait arrivé.

Le vent et la pluie se mêlaient. Je n'avais pas de veste et le froid que j'avais ressenti jusqu'alors s'était intensifié. Mon regard se porta sur les fleurs autour de toi. Certaines avaient bien tenu les périodes de sécheresse et de pluie, d'autres beaucoup moins. Tu étais belle lorsque tu regardais tes fleurs et quand tu riais aux éclats. Une fleur parmi les autres... Si seulement tu pouvais revenir…J'avais promis que je ne me laisserai pas aller. Je ne voulais pas pleurer, mais cette envie me rongeait et était plus forte que moi. Le bruissement des feuilles, les gouttes qui tombent, un silence de mort, un battement d'ailes, un battement de coeur, des larmes qui tombent, le sifflement dans mes oreilles, puis un bruit qui, dans la naissance d'un moment, vint le faire disparaître. Des gens approchaient, parlant, un couple avec leurs enfants, deux petits garçons. Tu aurais dû savoir ce que je ressentais en les voyant. Enfin tu savais, tu savais toujours tout. J'aurais voulu qu'on soit comme eux, unies. Ils cherchaient un emplacement, sûrement même des gens. Un des petits garçons leva la tête et me fixa. Je devais offrir un spectacle distrayant avec mes cheveux mouillés, mes affaires trempées et mon air déconfit. Je me retournais vers toi. Il fallait que je parte avant qu’ils s'inquiètent. Je me penchais puis te caressais doucement la joue, humide et froide pour terminer par t'embrasser en retenant un sanglot long. Un adieu silencieux pour ne pas rompre cette atmosphère étrange qui planait. Les cloches sonnaient, il devait être dix heures, ou bien onze. Je sortis, repassant par l'allée sinueuse. Je pris mille précautions pour que le portail ne me reste pas entre les mains. Il paraissait tellement fragile. Je pris mon vélo laissé sur le parking. La pluie cessait de tomber. Rouler serait plus agréable pourtant j'aurais voulu que le ciel se déchaîne et me libère de mes entraves. J'aurais voulu rompre toutes les attaches pour ne plus souffrir. Peut- être qu'un jour, tout cela sera plus facile. Je jetais un dernier regard vers le portail et les gens engloutis avant d'appuyer sur ma pédale et de démarrer.

J'étais triste. J'essayais de regarder le paysage tout en pédalant. je me rappelais des beaux jours où elle était avec moi. Il faisait beau. Elle riait. On aimait bien faire du vélo ensemble. On s'amusait. Puis le temps est passé. Il a pris ton sourire. Il m’a volée notre bonheur. Il a gardé des secrets maintenant enfouis à jamais. Aujourd'hui je regrette. Je regrette tous les moments qu'on a pu gâcher. Je regrette de ne pas t’avoir vu mûrir. Je regrette de ne pas avoir été là pour te consoler. Entre nous les rôles étaient souvent inversés. Mais sans toi, je me sentais vide.

Le chemin que j'empruntais, je le connaissais par cœur. On le prenait souvent. Pour rentrer du collège ou juste pour se promener. Tous les chemins mènent à Rome mais avec nous c'était plutôt tous les chemins mènent à la maison. On avait toujours les mêmes endroits pour se retrouver. Toujours dans les mêmes décors. On était toujours toutes les deux. Ça nous plaisait tout ça. On aimait rire à pleine gorge. Ces rires vrais et intacts que seuls les enfants ont, comme si rien n'avait pu entacher cette beauté de naïveté. Les rayons de soleil nous caressaient la peau. Et quand il pleuvait comme aujourd'hui, on s'abritait sous un arbre et on écoutait les oiseaux qui cherchaient un endroit au sec. Les gouttes s'écrasant au sol en petite mélodie nous emportait dans un autre monde.

Je pédale et j'essaie d'oublier cette peine qui monte et m'envahie telle la marée qui arrive au galop. Mais je ne pouvais pas me laisser bercer par mes vagues à l'âme, je me serais noyée en m'oubliant, en oubliant la seule bouée qui était à deux brasses et que je ne pouvais atteindre.
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À fleur de pot

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