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 les fées mer

écrivainpoème d'hiver
le coryphée
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Mar 8 Jan - 13:11

LA MORT DU SOLEIL // LES FÉES MER

Quelque chose, en mer, se trame.
Au delà de l’horizon, des vaguelettes et de l’écume qui, avec ennui, se déversent sur la plage.
Dieu sait pourtant que là où quelque chose se trame, les vagues frappent la coque d’un navire, le chahutent, et que les femmes et les hommes accrochés sur l’embarcation ont peur.
Leurs mains qui agrippent les cordages se cherchent dans une dernière étreinte.
La tempête ne passe pas, car, quelque chose, en mer, se trame.
Là bas, les nuages noirs n’envisagent pas le beau temps après la pluie. Les ténèbres, d’un coup, ont englouti Les fées mer. Jamais plus la lumière ne tombera sur leurs visages.
Ils viennent d’assister à la mort du soleil.
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Claire Bleu
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Mar 8 Jan - 13:13

avant l'orage

Des jours, je sens le sel, l'écume, un brin de mer, et puis le chiendent qui m'accueille dans la douceur sucrée de sa chaleur, entre soleil et nuages. Des jours, le noir se fait plus gris, mais le noir reste noir, et j'ai un peu plus de courage. Ces jours-là, je les dessine à l'horizon comme une poésie en vers libres (il n'y a qu'eux qui sont libres, de toute façon). Je les chéris, un peu, pas trop, car le gris me rend morose, il me rappelle la dureté des coques de navires, pourtant brisées comme le bateau de Notre Père.
Malheureusement, plus personne n'est là, il n'en reste que l'ombre, et j'ai, maintenant, besoin de sourire. J'attends, je m'abandonne, dans mes divagations. J'apprivoise la solitude et l'amour, où la tendresse est bénie. Dans certains bras, j'ose imaginer une autre vie, puis quand je les quitte, je m'adonne à la mort, en nageant dans la mer, aveugle de mon malheur, aveugle de la vie, enfantée par l'erreur.
Même l'air vespéral ne me fait plus de bien. Je pleure donc violemment, je tourne comme une turbine, libre de danser sur le sable dont je ne peux imaginer la couleur.
Je sais que le noir me façonne. Je sais que derrière mon troupeau de vaches l'orage m'atteindra un peu moins, et je sais que le noir pour toujours sera à moi. Je sais aussi que mes larmes sont pastelles, on me l'a déjà dit. Je sais que mes yeux morts paraissent pleins de vie.
Je sais que, dehors, il fait un peu moins froid quand tu me tiens dans tes bras. Bien sûr, il y a le soleil qui se lève là bas et je voudrais bien qu’on aille le toucher ensemble.
Mais à quoi bon si, d’un coup, il n’existe plus ?

Sur un rocher, Claire semble aspirée par l’océan. Ses pieds trempent dans l’eau et les algues caressent ses chevilles, il fait bon, sur la plage. Dans ses mains, un espoir. Un papier arrivé par hasard. Dessus, des lettres se bousculent, s’entremêlent. Les mots ont été gribouillés, mais elle ne peut pas les voir, que les imaginer. Simo les lui a lus avant de la quitter. Ça disait :

à tous ceux que la vie a oublié,
ceux qui aimeraient tout plaquer pour devenir mouette
devenir heureux rien qu’un instant ou deux
à tous ceux qui pensent être cassés,
mais aussi ceux qui pensaient être réparés
qu’ils viennent sur le port du bout du monde
pour rêver à bord de les fées mer.


Claire n’aime pas l’aventure, elle la craint, plutôt, à demi-mot. Quand tombe la nuit elle se terre encore dans sa couette, elle serre les dents, écoute les perles du carillon s’entrechoquer.
Mais dans son espoir il y a autre chose, une promesse d’ailleurs, un échappatoire, rien qu’un instant ou deux, c’est écrit.
Elle voulait croire à ce bonheur qu’elle n’avait pas connu, à cet éphémère.
Alors la nuit quand tout craquait, dans les toits, sous le plancher, Claire a tout plaqué.
Elle s’est envolée.
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sphinx
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Mar 8 Jan - 13:15

un jour sur la baie

Sphinx vivait dans le passé.
Ici il faisait jour et Sphinx aimait le jour.
Il semblait ailleurs et parfois le vent qui faisait remuer ses cheveux lui donnait l'impression de retrouver ses terres égyptiennes.
Depuis combien de temps errait-il, perdu, au bord des falaises ?
Ses pieds foulent les chemins et les pierres, blessés par les brins d'herbe et seules les lèvres d'Helmut peuvent lui faire oublier la douleur du passé.
Sphinx vivait dans les souvenirs conservés dans des endroits maltraités, son cœur battait à l'unisson avec les secondes et les minutes s'écoulaient sans jamais l'ennuyer.
Comme le miel doux qui sent bon la rosée et les potions d'Isis.
La douceur des lumières pour lampe de chevet.
Il se retrouvait dans les pétales maudits des fleurs fanées, dans les tableaux exposés au musée mais aussi dans les histoires des grands pépés. Certains moments qu'il disait noirs, la nostalgie le prenait à la gorge, là, juste là oui, près de la pomme d'Adam (si Ève ne l'avait pas cueillie comment s'appellerait cet endroit ?).
Sphinx s'écrit au passé.
C'est un papyrus froissé que l'on n'a pas achevé, une de ces multiples statues au nez cassé.
Un sarcophage sans sa momie, des yeux à peine fermés, et des mains pas entrelacées.
Des mots qui ne servent à rien mais s’alignent tout de même dans l’espoir de former quelques tendresses.
Un matin le soleil s'était levé sur son visage endormi et ses paupières encore lourdes s'étaient entrouvertes après mille ans de sommeil, telle l'histoire de la belle au bois dormant, mais d'une autre époque.
Il se rappelait l'air chaud et doux du ciel d'Egypte et les sourires de sa mamie, la veille. Chaque sirène qui chante dans les étoiles de son pays. Il se rappelait les boucles brunes de Nout et les farces de Bès. Il voyait si bien sa maison du passé, là où il s'était endormi, pour l'éternité.
Reverra-t-il, un jour, cet endroit magnifique ?
Sphinx vient du passé, traverse les époques sans jamais prendre une ride.
Il ne veut rien effacer de l'Avant, mais bon sang, qu’est-ce qu’il aimerait y aller, de l'avant !
Parfois, il a peur, quand même, d'y retourner.
Dans l’Avant, son époque racornie.
Le monde est beau et Sphinx est amoureux.
Pas que d'Helmut, bien sûr, des papillons dans son ventre et dans les molécules d'air, des cailloux fluorescents et des bizarreries de l'île.
Il aime ces lapins nains qui gambadent sur les collines et les dauphins tachetés qui jouent dans les vagues, enfants inconscients.
Il se demande si la vie est un pur délice à croquer.
Le soleil de ce monde lui donne envie d'embrasser,
mais que feraient-ils si Sphinx volait le soleil ?
Dans ses mains, une pensée. Elle est blanche, de la même couleur de la feuille froissée de Claire. Lui aussi l’a reçue, la lettre gribouillée, échouée comme lui sur la plage ensoleillée. Il l’a lue, longuement, a déchiffré les signes étranges. Helmut lui avait appris comment lire ces dessins biscornus, plus étranges encore que les hiéroglyphes.
Puis il était parti.
Lui aussi.
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franz
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Mar 8 Jan - 13:26

l'amer et l'amor

ta clavicule comme arrière plan tes boucles brunes ont le parfum des matins de mon enfance tes doigts entrelacés aux miens me donnent un peu de courage même si je suis seul
dans la nuit, je cherche un cri, une trace de ton corps sur l'air nocturne, une comptine sortie de ta voix dans les hauts parleurs de la ville.
les morts ont l'odeur du passé, leurs yeux fermés n'ont pas la couleur des tiens, je me demande où est passé leur éclat. perdu en route.
perdu comme je le suis sur les pavés du déclin où la grisaille a appris à m'emporter.
j'ai tracé hier notre forêt imaginaire sur le couvercle de ton cercueil. peint en or les feuilles qui tombaient comme tombent tes cheveux en cascade sur tes épaules, cristallines.
pour ton dernier voyage quelques perles sur les poignées, de mes mains j'ai cousu le drap fin qui recouvre le coton, mes larmes ont glissé sur le chêne. j'ai gravé le soleil et la lune près de tes oreilles pour qu'ils te murmurent des chimères de la couleur des opiacés.
jamais tu n'as été aussi belle pourquoi es-tu morte tout contre moi, j'ai froid tout contre toi
à mon réveil tu étais là, telle une reine. hier j'entendais ton cœur il pulsait dans ta poitrine, brasier embras(s)é, le mien décalé ne suivait pas la cadence ; tu vivais.
hier j'avais la nuit pour moi et tu l'as prise rien que pour toi. je sais les baisers désespérés jetés à terre et mes poumons qui n'en pouvaient plus de nos caresses.
tout déraille je défaille sur les toits.
maintenant le noir me fait trembler et je me sens moins malin, l'angoisse revient, j'apprends de nouveau ce que seul veut dire. je ne me souviens plus de ton nom ni de nos moments heureux.
reste que la froideur de ton visage collé à ma poitrine et l'horreur de te découvrir.
sur ton cercueil les dorures ressemblent au ciel quand il s'allume et que les lampadaires s'éteignent. au feu de la bougie se consument les étincelles.
dans la nuit je cherche le feu, pour brûler mon amour comme il m'a brûlé. je le sens qui s'échappe maintenant et dans les derniers traits je donne tout.
le sang vermillon de mes veines n'a pas la couleur de tes lèvres.
je le fais couler quand même et c’est d’un rouge pourpre se colore le chêne. je donne tout.
quand je t'allonge dans ton dernier lit, dans mon œuvre d'art,
je sais que les mille et une teintes laissées comme par hasard ne te laisseront pas indifférente.
même dans la mort elles t'éclaireront.
les étoiles d'or que je touche n'oublieront pas le soleil.
je pleure encore quand j'embrasse ta bouche.
je me sens mourir.
oh mon amour pardonne moi je n'ai plus la force de déambuler dans les rues de notre ville
oh mon amour qu'as-tu fait ?
le vieux m'a donné un morceau du journal comme on jetterait du pain aux cochons, dessus, ça disait qu'on pouvait partir
et tout plaquer, pour devenir mouette
dis moi ma douce comment t'abandonner sans jamais faillir
dis moi comment cesser de t'aimer et si je puis tomber
car tu es morte et je suis vivant,
et la mer ne fait pas tomber.
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le coryphée
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Mar 8 Jan - 13:37

partir pour s'aimer

Ils sont mille.
Ils sont mille.
Ils sont l'arc-en-ciel sur le port du bout du monde.
Ils sont seuls, tous. Même s'ils sont partout.
Ils sont mille, mille à tout plaquer.
Mille à avoir été oubliés et à être là.
Certains ramassent des pierres précieuses, d'autres regardent leurs souliers usés.
Ceux qui veulent partir regardent le bateau aux grandes voiles, comme on peut l’imaginer dans les manuels d'histoire.
Ceux qui veulent partir ne connaissent pas la nostalgie de la vie d'avant, car avant, ils l'ont déjà oublié.
Sur le port du bout du monde, tous sont tournés, pourtant, vers le soleil qui les attend, de l'autre côté de l'horizon. Toujours ce soleil. Toujours cet horizon.
Les enfants se demandent ce qui se passera quand ils l'auront dépassé. Qu'est-ce qu'il adviendra d'eux ?
Ils ne savent pas que bientôt se tramera quelque chose en mer.
Ils ne savent pas qu'ils auront peur,
peut être qu'ils ne savent pas ce qu'avoir peur veut dire.
Car quand on est mille,
quand le vent qui nous fouette fouette aussi les autres,
c'est vrai,
on a plus chaud au cœur.

Mais,
quelque chose,
en mer,
se trame.
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sphinx
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Sam 19 Jan - 23:44

des étincelles par série de trois

Ses boucles ont pris le goût du sel et les embruns se déposent comme des baisers sur ses joues empourprées. Le clapotis de l'écume danse contre la coque, depuis le pont, il les entend. Couché, son regard s'est déjà perdu dans la promenade douce et tranquille des nuages dodus du bleu ciel.
Il a enlevé ses chaussures et ses pieds nus pourraient presque toucher la surface.
Sur la mer, il lui manque quelque chose. Il manque les papillons et les herbes folles, et les maisons pastelles des villages abandonnés. Il manque Helmut aussi, mais en partant pour un voyage effet mer, il savait qu'il ne pourrait plus le revoir. Peut-être se reverront-ils lorsqu'ils auront passé l'horizon ?
Souvent, Sphinx se l'est posée, cette question.
Pour lui, ce voyage vers l'inconnu était une odyssée dont seul le capitaine, au nom imprononçable, un rude gaillard, ciré jaune et pull rayé même lorsqu'il ne pleut pas, connaissait la destination.
Sphinx, lui, n'avait rien de cet homme. Il était l'antithèse de tous ces gens, qui vivaient dans le présent. Pour le présent.
Jamais il n'avait pris le bateau. Au début, dans les premières minutes, il avait été étonné que cela bouge autant. Il pensait que la mer était moins capricieuse.
Le tangage faisait comme une berceuse. Il était dans les bras de Poséidon, d’Anoukis, de Sobek. Là encore, il se rappelait les comptines de ses frères et sœurs. Le souffle chaud du désert rouge, leurs bagarres dans les coussins, avant le sommeil, lourd de leurs promesses et de leurs rêves.
Ses mains se tordent, seules sans ses chimères. Alors, Sphinx se perd dans le soleil.
Avant de choisir les nuages, il avait regardé chacun des voyageurs.
Ils n'étaient pas autant que sur le quai. Certains n'étaient pas arrivés à partir, avaient renoncé ou étaient arrivés en retard. Mille.
Ils n'étaient plus que cinquante sept.
Il voyait toutes les générations s'allonger et prendre l'air marin. Il voyait quelques enfants, pas beaucoup, qui jouaient et demandaient déjà quand est ce qu'ils arriveraient. Avant de se poser sur les garçons malades, le regard de Sphinx avait accroché celui, vide, de Claire. Ça l'avait frappé, qu'un regard à la fois perçant mais fait de rien le transperce ainsi. Il ne l'avait pas revue depuis.
Il y avait aussi ce drôle de garçon à l'air morose. Accoudé à la rambarde comme au bar. Il lui faisait penser à Narcisse contemplant son reflet dans l'eau.
Ce garçon à l'air triste, il aurait voulu aller le réconforter.
Il avait vu en lui, aussi, un hymne à tout ce qui est doux. Mais un garçon perdu. Un garçon morcelé.
Comme chacun des voyageurs.
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franz
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Dim 20 Jan - 18:17

abîmés

je n'ai jamais écrit de poèmes, et je fais des fautes à chaque mot. je bute sur les lettres qui sont simples, comme le a, le b. je n'ai jamais écrit de poèmes mais en regardant la mer et ces deux inconnus qui semblent s'aimer, face à l'éternité, je voudrais apprendre à aligner quelques lignes.
j'aimerais te conter, ma chérie, ce que je vois.
il est presque l'heure bleue, ici, le temps s'écoule normalement. à la barre, le capitaine tient bon. il semble heureux. nous sommes cinquante sept, en le comptant. cinquante sept à tout plaquer, tu te rends compte ?
ça fait beaucoup d'aigris, et des dizaines de malheureux.
des malheureux qui tentent de se réparer.
je ne sais pas encore ce que nous allons voir, j'espère que nous apercevrons des fées, des dauphins. maman me contait jadis des histoires formidables qui arrivaient à ceux qui partent en mer. des histoires avec des krakens. je ne sais pas si tu les connaissais.
nous partons pour un endroit mystérieux. j'imagine une île, déformée, pas forcément belle. sans palmiers, sans cocotiers, ni de sable blanc et chaud. j'imagine un endroit où je serais heureux. un chez moi qui serait aussi le leur, mais un endroit sans guerre, sans bagarre ni rage.
je ne veux plus voir cette belle colère qui nous transformait quand trop tard nous traînions dans les rues, assourdis des néons, des bières froides. je ne veux plus avoir mal au cœur quand mon poing s'écrase sur les corps décharnés des pauvres de la rue.
hier je pleurais encore quand je repensais à tout le mal que nous avons fait. sur ce bateau qui promet un nouveau monde je me dis qu'au final tout est possible, moins moche, moins sale. ces masques accrochés sur les murs et ces tapisseries comme un secret jalousement gardé dans la soute me font l'effet d'une bombe atomique, je découvre un endroit où tout ce sur quoi nous avons fermé les yeux prend vie.
et si nous avions pu être heureux ?
j'ai rencontré une fille, elle s'appelle claire, je crois. quand elle parle, j'entends ton rire cristallin. elle n'y voit rien et il semblerait que la seule couleur qu'elle connaisse, ce soit le noir. pourtant chez elle tout est pastel, menthe à l'eau. elle a séché mes larmes.
de là où je suis, à regarder l'écume se jeter sur notre navire, je peux voir un jeune homme, il a des airs de jadis. il a l'air de venir de loin. ses pieds nus sont emmêlés dans les cordages.
ici, c'est une parenthèse. une parenthèse aquatique.
je crois que je vois la lumière.
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le coryphée
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Dim 20 Jan - 18:31

claire & sphinx

claire : qui es-tu ?
sphinx : sphinx.
claire : tes pieds sont nus, tu n'as pas froid ?
sphinx : on n'a jamais froid quand on est pieds nus.
claire : moi, j'ai froid tout le temps.
sphinx : et toi, qui es-tu ?
claire : claire.
sphinx : claire. claire, comme la couleur ?
claire : les couleurs claires ?
sphinx : oui, les couleurs claires.
claire : alors oui, claire comme la couleur.
sphinx : pourquoi tu es venue ?
claire : je suis venue pour oublier. oublier que je suis malheureuse dans mon village.
sphinx : es-tu moins malheureuse sur ce bateau ?
claire : nous ne sommes partis que depuis trois heures.
sphinx : trois heures pour être heureux, c'est pas mal, non ?
claire : je ne sais pas. je ne suis pas savante. et toi, pourquoi es-tu parti ?
sphinx : je ne sais pas. je voulais m'envoler. oublier, comme toi. mais oublier les champs de blé et les cyclamens qui poussent sur la colline où j'ai enterré des lucioles. me retrouver perdu au milieu de l'eau, là où poser le pied à l'extérieur d'un navire pourrait me coûter la vie. je voulais aussi terminer mon passage sur cette terre. comme on clôture un chapitre.
voilà, c'est ça. je voulais clôturer mon chapitre.
claire : tu vas mourir ?
sphinx : non, je vais retourner dans mon époque.
claire : tu es étrange, sphinx.
sphinx : helmut me le disait souvent.
claire : helmut ? est-ce quelqu'un que tu voulais oublier ?
sphinx : je ne peux pas l'oublier. je l'aime. je l'aimais. comme la terre que j'ai quittée.
claire : je n'aurais pas quitté ce que j'aimais.
sphinx : je ne les ai pas quittés. ils sont là. dans mon coeur. tu ne crois pas ?
claire : mes parents disaient que nous vivons dans le coeur de ceux qui nous aiment. mais mon père est mort et il s'est éteint, même dans mon coeur.
sphinx : tu es rude, claire.
claire : je viens de la mer et j'y retourne.
sphinx : tu vas mourir ?
claire : oui. mais avant, je vais vivre.
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le coryphée
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Dim 20 Jan - 18:37

franz & le cori-fée

le coryphée : que vas-tu faire, franz, désormais ?
franz : je vais renaître.
le coryphée : tu n'es pas un phénix, franz. le feu te brûle.
franz : je sais. mais je vais renaître. ce voyage, c'est ma naissance.
le coryphée : ce voyage, ce sera aussi ta mort.
franz : comment peux-tu en être si sûr ?
le coryphée : regarde tous ces gens. ils sont là car il leur manque quelque chose. ou parce qu'ils ont été rejetés. ce garçon aux pieds nus, il est fou. cette fille aux yeux vides, elle est malheureuse d'être aveugle et seule. ces amoureux, là, ils fuient leur monde qui est trop noir, car leur amour est lumineux, et les ombres tuent ce qui brille.
et toi, pourquoi es-tu ici, franz ? pour oublier celle que tu as perdu et ta vie de malfrat dans les rues sinistres que tu as parcourues depuis toujours ?
franz : nous ne sommes jamais en paix.
le coryphée : non.
franz : mais ici, nous allons la trouver.
nous allons la trouver, n'est-ce pas ?
le coryphée : oui.
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paula
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Lun 21 Jan - 22:00

22:00, la nuit je perds de la lumière


Écoutez mes veines qui saillent contre mes oreilles, mon coeur-poumon qui éclate au milieu de ma poitrine. Écoutez le roulement comme un tonnerre qui me déchire alors que dehors tout est nuit, silence.
La mer est plate et le pont désert. Tous sont rentrés dans l'habitacle, leurs poings sont fermés ils rêvent d'ailleurs, déjà, leurs songes dérivent. J'entends leurs ronflements d'affamés.


À ce moment, elle se souvient. Elle se souvient de ces mots prononcés par une autre.
Ces mots qui disaient ne m'attends pas sous le soleil car je serai sous la lune, je serai sans lumière, et je n'aurai plus de soucis à te raconter. Mes soucis qui te tracassent. La nuit, vois-tu, je perds de la lumière.


Il y a cette bande de gamins insupportables, sur lesquels on n’arrête jamais de râler mais qui n’écoutent rien parce qu’ils débordent d’insouciance et de joie et je commence à croire que le bonheur rend sourd, qu’il éteint tous les sens pour prendre toute la place. Ils ont tous faim de la vie.
J'ai faim moi aussi, j'ai faim comme jamais. Faim de tous les mots qui tournent en spirale, s'étalent dans ma bouche sans jamais en sortir. Faim de nos cris, de nos espoirs ici. Faim.
Je suis Paula.
Je suis Paula et je viens parmi les vivants dévorer ce qu'on me doit.


Ils sont loin de la terre à présent. Elle ne peut plus partir. Elle regarde le lointain sans vraiment le distinguer. Elle n'a pas peur, juste froid.
La brise est coquine et le vent farceur, il s'immisce sous sa jupe, lui murmurent de retomber sur Terre. Mais Paula, elle, vit dans les étoiles.
Paula, il est trop tard pour retourner. Pour revenir.
Alors, Paula ne se retourne pas. Elle a dans ses mains ses fioles de sorcière, ses élixirs de promesses. Tous les parfums du monde entier dans sept bocaux couleur arc en ciel. Dans chacun une potion (elle les a préparées avec soin avant de partir). Un brin de magie.
Ses bracelets tintent à ses poignets un peu trop maigres, son rouge à lèvres est parti, ses yeux pailletés se confondent avec les lucioles dans ses prunelles. Elle ressemble à une fée, sa robe blanche est la robe couleur de Lune.
Paula est dans son monde. Un royaume qu'elle invente, où personne ne la suit.
Dans son univers elle tutoie les mystères, elle va chercher un nouveau soleil imaginaire, se drogue à l'éphémère.
Soudain, un claquement. Un claquement doux sur l'eau. Une nageoire, deux nageoires. Puis une baleine.
Une grande baleine qui surgit juste à côté d'elle, trempe le pont de cristaux de sels. Le bateau, maintenant, pourrait chavirer, mais il tient bon. Les fioles roulent, ne se brisent pas, et la bête énorme replonge dans son lit aquatique, les bras de Poséidon.
Quand elle revient, Paula rit sur ce pont, seule au monde.
Elle se nourrit.
Enfin.
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Claire Bleu
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Mar 22 Jan - 13:44

le chant des calembours

Le lendemain sur le pont, les cheveux de Claire fouettent ses joues. Elle se tient bien droite sur la proue, c'est l'avenir qu'elle sent là, juste devant elle. Toute frêle, une paillette qui ferait bien de rentrer, sous peine de s'envoler. Elle est une petite silhouette, une ombre qui se met sur la pointe des pieds pour pousser l'horizon un peu plus, là bas, dans la brume. Claire ne peut pas la voir, cette brume. Elle ne la sent même pas. Elle sait qu'aujourd'hui le ciel est presque gris, et que la baleine n'a pas fait fuir tous les désagréments qu'apporte l'air salé.
Quand la baleine est venue pour les arracher à leur destin, d'un coup de nageoire, tout pulvériser, Claire dormait. Pour une fois, clos étaient ses yeux et son souffle lent résonnait dans son petit habitacle. Elle avait senti le bateau se coucher et se redresser, elle avait entendu ses compagnons crier tout bas, mais elle s'en souvenait comme d'un songe. La baleine n'aurait pas pu emporter Claire.

Je mangeais souvent des berlingots et autres confiseries avec Maman, Alma et Simo. Ici, pas de fruits exotiques. Ça me manque un peu, car ici, juste des calembours qui sonnent comme ces jolies sucreries de mon enfance. Ils sont partout, dans la bouche des papis qui hier priaient encore pour ne pas mourir noyés par une baleine. Entre les lèvres des femmes qui pensaient ne jamais ne revoir la lumière demain. Et surtout dans le rire de la fille du pont, que j'entends encore résonner comme une chanson-arc-en-ciel.

non:
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le coryphée
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Mar 22 Jan - 13:47

Ensemble on forme une drôle de machine, un peu chaotique, qui tombe souvent en panne. Puis il arrive qu’on soit plusieurs paumes posées au même endroit, pour la réparer, lui redonner un peu d’élan et lui montrer qu’elle peut avancer.
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paula
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Jeu 24 Jan - 20:50

les fantômes les silhouettes

Ici tout vit et tout fleurit, ici je sens que tout peut s'arrêter et repartir. Les mouettes ne nous accompagnent plus, leurs cris étouffés parviennent par milliers depuis la lointaine terre que nous avons quittée. Les dauphins ne sortent pas dans la brume, ils ont peur des marins égarés qui ne vont plus danser, et moi, je suis bien triste sans eux.
Je sais bien qu'il y a ces princes et ces princesses voyageurs à bord qui n'attendent qu'un ami. Plein de choses à faire à bord de ce navire. Leurs mots-poisons et poèmes-pensées embarqués m'emportent un peu plus, mais je reste à la surface, personne ne me noiera.
Pourtant je voulais le grand bleu et ses animaux aquatiques. Tout perdre, les hommes, les femmes. Mais ici ce sont les mêmes. Je ne les ai pas quittés.
Ils sont un peu différents, un peu rafistolés. Ils ressemblent à mes poupées recousues cent fois, aux yeux tombants, boutons écorchés. Ils ont moins de venin que les autres, peut-être qu'eux aussi, ils pensaient ne pas retrouver les démons de la terre.
Par ce temps ils sont presque tous dehors, dressés vers l'inconnu. Encore, encore, encore. Sans relâche. Ils y croient. Le capitaine aussi.
Je n'ai jamais parlé au capitaine, et lui ne m'a jamais parlé. Il n'a pas besoin de mots pour dire qu'il est là. On le sent. Omniprésent. Une présence paternelle. Il nous guide vers un bel endroit.
Et j'y crois, j'y crois ! J'y crois, et je voudrais moi aussi m'abandonner à cette certitude pourtant j'entends ceux qui pensent trouver la mort et les fantômes qui planent très haut au dessus de nous. Je voudrais bien dire oui à tout. Dire oui à ces visages que je ne connais même pas comme j'ai dit oui à cette épopée.
Je veux dire oui à ces voix qui se rencontrent et s'apprécient. Je veux dire oui à ces personnes toutes cabossées, pas forcément belles.
Je n'ai jamais connu personne car personne n'a voulu me connaître. Seule, j'avançais.
Ici tout est différent. Ce n'est pas le même monde. Nous sommes déjà ailleurs.
Un futur est possible.
Ça me fissure.

Et puis Paula est d'humeur morose. Elle n'a jamais été très joyeuse.
Sur Les fées mer, elle se sent changée, dans son être, des fragments de lumière.
C'est comme une supernova qui éclate dans le cosmos.
C'est grandiose, éphémère, surprenant.
Paula n'aurait jamais pensé un jour être heureuse. Mais debout derrière Claire, à la proue du bateau, fendant la brume, elle sent terriblement proche de ces gens. Ces gens qui sont partis malgré tout.
Et Paula s'avance vers Claire. Elle brise son quatrième mur.
Elle recrache ses démons.
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franz
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Ven 25 Jan - 9:39

dernier mégot

il ne me reste qu'une cigarette dans mon paquet et personne ne cultive des fleurs de pétrole dans ses poumons à bord. cette nuit, il y a eu une baleine.
j'ai eu peur, je l'avoue, maintenant. j'ai crié, moi aussi, contre un enfant qui pleurerait. un instant j'ai cru mourir retourner dans le tumulte le brasier les murs de la ville qui tremblent les tambours de guerre les pistolets "les guns" comme on les appelait et mon mégot qui tombe le sang qui gicle mes poings encore contre leurs visages et frappent fort trop fort l'alcool qui coule sur mes plaies et le garçon qui murmure brûle brûle brûle en lacérant ton corps mon amour ne hurle pas si fort
et la mer est redevenue plate.
la mer ne fait pas tomber, effectivement, mais je replonge toujours.
je plongerai encore quand tu me reviendras.

non:
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Claire Bleu
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Ven 25 Jan - 9:51

car la mer qui brûle d'anarchie est la plus belle

Quelque chose, dans cette fille,
Un parfum, une étoile,
Quelque chose, dans cette fille,
Qui me donne l'air un peu bête.

Portée par la nuit, elle éteint,
Les petites lueurs, les éclats de fée,
De ses lèvres carmins.
L'air taciturne, nocturne.

Des doigts qui se perdent,
Des souffles qui s'entremêlent.
Des souhaient qui se réalisent. Et puis.
Et puis quoi ?

Ses yeux améthystes ont tout vécu,
Je sais qu'ils ont cette couleur
Car ils me transpercent
Comme une pluie d'aigue-marine.

Sa présence est magnétique.
Petite reine dans l'infini.
Une couronne de rosée comme couronne misère,
Pacotille abstraite de petites choses métalliques.

Dans la débauche,
Et l'égoïsme,
Elle vit à gauche,
Dans l'euphémisme.

Ces ombres qui la quittent,
Ces ombres de la nuit,
Me montrent que cette fois,
Il n'y aura pas de larmes.

Quelque chose chez Paula comme un aveux troublant,
Me rend un peu bête, et je me sens légère.
Paula comme une femme des Enfers, une chienne de la vie
Qui tient debout, contre la digue.

Elle est les bras de Samson qui poussent la colonne,
Elle est les promesses de Dalida avant la trahison,
L'épée du prince Philistin avant le mariage funèbre,
L'olivier sur leur tombe une seconde avant l'oubli.

Paula comme une revenante, elle est là devant moi,
Crache ses démons dans la brume.
Petite sorcière des bobos endoloris.
Et Paula est vivante, et Paula peut me parler.
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le coryphée
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Dim 27 Jan - 12:34

claire & paula

claire : je te vois depuis hier, tourmentée. Je t'ai entendu rire sur le pont dans mon sommeil.
paula : aujourd'hui, je ne le suis plus. Et je ris de moi-même.
claire : tu viens d'où ?
paula : de loin, Claire.
claire : loin où ?
paula : je viens des endroits où l'on a tout carbonisé, même nos sentiments à trop s'aimer. Je viens des endroits où tout tremble et où malheureusement rien n'est assez pur pour se raccrocher suffisamment fort et ne pas tomber. Tu ne peux pas connaître.
claire : et si je connaissais tout de même ?
paula : tu as beau être aveugle, et moi aveuglée, nous ne pouvons pas cacher éternellement nos souffrances.
claire : Paula, pourquoi es-tu partie ?
paula : pour oublier.
claire : toi aussi ? sur les fées mer, tout le monde tente d'oublier.
paula : certains sont venus pour se reconstruire. Pas toi ?
claire : je ne sais plus, maintenant, ce que reconstruire veut dire.
je sens le vent tourner, que se passe-t-il ?
paula : il y a une île droit devant. une île énorme.
claire : une île ? ferions nous une escale ?
paula : je vois des points blancs se promener, mais il n'y a pas de soleil sur cette île et j'entends des cris.
claire : je les entends aussi. Rentrons à l'intérieur.
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miele
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Lun 28 Jan - 18:00

et si le ciel s'écroule, si les continents plongent

je vois, là bas
un bateau.
un bateau
multicolore.
toutes les couleurs réunies sur une même embarcation,
les voiles lâchées,
synonyme
(factice)
de liberté.
je vois
là bas,
une coque qui brille même sans soleil
c'est là bas qu'il faudrait être.
à mes pieds, les autres, enchaînés,
qui ne lèvent ni les yeux, ni les mains,
et ceux qui approchent,
ne savent pas que là où ils vont poser leur ancre,
est un endroit infesté.
infesté de tous les hommes du monde.
infesté et malheureux
ce que je vois est un envol, une échappée, une main tendue
que je ne peux attraper.
de mon rocher,
je pourrais presque déjà sentir les effluves douces amères
qui s'entremêlent pas milliers.
de mon rocher,
je hurle, je hurle pour les appeler.


quand le fouet s'abat sur son dos
miele détourne ses yeux de les fées mer
quand le fouet s'abat sur son dos
elle a oublié
(déjà)
ce qu'elle imaginait il y a cinq minutes
car ce fouet qui s'abat détruit peu à peu tout ce qui brillait
tout que qui faisait d'elle
quelqu'un
et elle a mal, miele,
elle a mal mais elle voudrait que le fouet frappe plus fort
frappe si fort qu'elle n'entende plus rien
qu'elle ne voie plus rien
coups de poings sur le corps
coups de poings colère
((on en revient toujours à ça))
des éclats sentimentaux qui ripent sur ses pensées
des hématomes crochus pour linceul, tout est déjà promis
sur les fleurs fanées de son jardin secret,
à terre, miele,
esseulée, cassée, brisée.
sur l'île, pas de place pour rêver,
ici, c'est pour trimer qu'on vit,
c'est pour mourir qu'on s'acharne un peu plus,
sur le travail,
leur échappatoire.
on ne les compte plus les esclaves de l'île,
ils sont nombreux,
des hommes des femmes
quelques adolescents encore fluorescents
sur lesquels s'abattent fléaux et idéaux.
et miele, la fille de joie la fille de rien
qu'a jamais rien décidé qu'a toujours voulu dire non
elle aussi
mais miele, la fille de rois des rues
qu'on disait juste putain des bas quartiers
miele qui voulait l'univers et tous les astres
et les bras d'un homme un seul,
elle avait besoin de tout.
et on l'a attrapée.
aujourd'hui, elle ne se débat plus,
préfère se tordre à terre et faire semblant
plutôt qu'ouvrir ses jambes
qu’les sentir là en vils serpents déments
miele donc,
avec ses larmes d'alligator sur ses joues de poupée pétée,
elle se tient à genoux
(genoux cent fois écorchés et presque pas pansés,
des genoux d'enfant sauvage d'enfant naïve,
une gamine amochée par les amours passagers,
les vacances d'été)
elle se tient à genoux comme une madone qui implore dieu et tous les dieux
dans ses prières, trois mots
q u e ç a c e s s e
sur son rocher,
la marque du fouet
comme un mauvais sourire,
ouvre son dos.
elle se tient à genoux mais sur la mer s'avance son salut.
elle tourne la tête vers lui quand le fouet s'abat une deuxième fois.
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sphinx
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Mar 29 Jan - 22:09

touche touche étoile

Il vit l'île quand les filles rentrèrent. Elle émergeait de la brume, petite caillasse glissée entre les vagues. Des points blancs grouillaient sur les rochers noirs. Cela sentait la sueur, le sang, peut-être aussi la mort. Cela sentait l'humain.
La structure (trop) frêle de les fées mer jeta l'ancre dans la baie des esclaves. Sphinx descendit le premier du bateau, ses jambes foulant le sol décharné, les plantes étiolées. Les autres suivirent, et tous touchèrent la terre souillée de l'île, sans savoir qu'ils s'étaient condamnés aux revers de celle-ci. Sphinx s'aperçut que les milliers de points blancs aperçus depuis l'océan étaient des hommes et des femmes nus, à l'air perdu. Il entendait ce drôle de silence assourdissant, et au loin le son ténu d'une claque sur une peau tendre.
Il la vit elle avant de voir le fouet. Les zébrures rouge baiser sur son dos. Deux.
Il lui tendit la main, elle était si maigre, et il aurait bien voulu avoir pitié, mais tout près ce fouet et cet homme si sombre qui ne disait rien.
Et elle qui ne le regardait pas, mais regardait le bateau.
Et les autres passagers qui tendaient la main aux autres.
Un rayon de soleil qui tombait sur cette île.
Quand ses pieds touchent la terre souillée de l'île, il sent le malheur s'abattre sur lui.
À ce moment, le cœur de Sphinx bat à cent à l'heure. Comme un tambour, le roulement avant l'échafaud.
Il a les yeux rivés sur ses boucles rousses et sur le fouet empourpré. A-t-il peur ? Sait-il ce qu'il fait ?
Le temps est figé, il n'y a plus qu'elle, plus que lui. Le rocher écorche ses pieds, martyrise ses genoux mais il lui tend la main, de l'autre fait courir ses doigts le long de son visage. Elle ne regarde plus le bateau, elle le regarde lui.
Elle voudrait bien lui dire de ne pas rester ici, qu'il n'y a rien de pire que cet endroit, que la baie des esclaves est si laide qu'elle risque de l’entacher, mais elle est trop faible Miele, et Sphinx lui, est trop naïf.
Quand leurs doigts s'accrochent finalement, et qu'elle se lève, il la tient contre lui, respire son parfum de femme cassée. À son tour il voudrait lui promettre qu'il la recollera, qu'il l'emmènera quelque part loin de la folie de cette île, de la folie des hommes mais il préfère se taire, ne pas lui jeter des promesses qu'il n'arrivera pas à tenir.
Le temps reprend son cours, la parenthèse est terminée. Il a passé son bras autour de sa taille et on pourrait croire qu'elle va s'écrouler mais elle tient bon.
L'homme au fouet ne dit rien, il semble absorbé par les fées mer, et les passagers regagnent leur embarcation, avec ou sans nouveau compagnon.
Miele sourit, elle aussi.
Elle s'en va.
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le coryphée
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Mar 29 Jan - 22:12

ligne droite

Quelque chose, en mer, vient de se tramer.
Quelque chose, encore, va arriver.
Ces nouvelles voix se joignent aux autres. Les voix jeunes, les voix vieilles, cordes vocales usées ou encore pleines de vigueur. Tons rauques, cris enfantins. Celles des libres et des soumis.
S'entremêlent, dans un dernier sursaut d'espoir.
Car c'est ça qui les tient tous comme un fil conducteur. Les relie, tresse leurs liens sans brutalité. Les retient à bord et les empêche de sauter par dessus la rambarde, dans la dernière ligne droite, s'écraser sur les eaux bleu marine. Ça aussi qui les ramène, et les ramènera, toujours, à l'essentiel.
Peut être que c'est ce qui tient tous les hommes et toutes les femmes, ceux qui sont et ne sont pas sur les fées mer.
Leur dernière chance avant la fin.


les corps beaux
(claire)

Trentième jour. Mer calme, reflets d’Orient et d’Occident, latitude inconnue, longitude inconnue.
Nous n’avons fait aucune escale depuis l’île, et parmi ceux que nous avons embarqué, certains sont malades, ou trop faibles pour profiter du voyage. Le capitaine n’est pas content. Je crois qu’il a peur, un peu, de ces esclaves libérés, sans violence, étrangement.
Qu’il avait peur, aussi, de l’île.
Au repas dernier, il nous a parlé d’un endroit sur la mer que nous pourrions traverser si nous n’avions pas de chance. Il nous a demandé si nous connaissions le triangle des Bermudes, le lieu maudit, le lieu d’où personne n’est revenu.
Il a remué les souvenirs les plus enfouis de nos mémoires, nous qui, avec tant d’ardeur, avions essayé d’oublier le passé. Pourtant, ce nom, triangle des Bermudes, ça disait quelque chose à tout le monde. Cela sonnait comme un tocsin.
Cet endroit sur la mer était, d’après lui, le lieu le moins sûr sur terre. Brigands, tempête, kraken, tous s’accordaient dans ce repère maritime pour mettre à mal les navires. Alors, le nôtre, bien sûr, ce serait facile de le tourmenter. Un petit copeau de bois avec des éclopés, des rejetés. Gangrenés par le temps, jetés dans une course contre la montre.
Cette fille, là-bas, Miele. Avec ses boucles rousses, toujours avec Sphinx. Elle n’avait pas peur.
Je crois que je l’aurais admirée si j’en avais eu le temps.
Elle a parlé. D’où elle venait. Quel était ce morceau de terre où elle s’était échouée et où elle a souffert. A notre tour, nous avons pris la parole, nous nous sommes réconfortés. Juste avant l’orage. Juste avant de connaître la fin.
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le coryphée
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Lun 4 Fév - 21:14

le cimetière de la douleur

(SPHINX)
Des débris épars flottent autour de notre bateau. Des morceaux de fer, de bois.
Des débris qui font comme un navire en mille morceaux.

(MIELE)
J’ai la main,
grande,
puissante,
fraternelle,
de Sphinx,
dans la mienne.
Nous regardons
avec tristesse
ce qui dérive
lentement,
à nos pieds.
On dirait, à bord,
que les passagers
se sont éteints,
depuis leur escale,
sur l’île des esclaves.

(SPHINX)
Et bientôt, l’horreur.

(MIELE)
Là, à mes pieds,
à nos pieds,
un corps.
Puis un autre,
et
des
milliers.

(SPHINX)
Une hécatombe marine, des macchabées raides et pâles,
vision d’horreur.
Je vois Franz, là, sortant de l’habitacle.
Je l’entends hurler avant qu’il ouvre la bouche.

(MIELE)
Les yeux de Franz sont grands ouverts,
la main de Sphinx
ne me retient plus,
n’est plus assez grande,
et je sens l’odeur de la mort
revenir
doucement
presque
amicale

(SPHINX)
Pas de sang ni de traces d’éventuel combat,
juste des cadavres qui sentent la mort,
commencent à pourrir,

(FRANZ)
Ces visages figés sont ceux de mes prières
sont ceux qui m’apparaissent en rêve

(SPHINX)
En fond sonore le bruit de la tempête
et nos compagnons qui sortent, tétanisés

(MIELE)
et le capitaine,
qui sort,
brutalisé

(FRANZ)
Et mes démons, qui sortent,
libérés.

(MIELE)
Claire qui s’avance
Paula qui psalmodie des formules
mes genoux qui s’entrechoquent

(FRANZ)
Les morts qui défilent
des images sursauts,
des renvois à hier

(MIELE)
le tonnerre qui claque au dessus,
soudain,
un mot qui jaillit
putain

(FRANZ)
un regard de trop
mortel,
je te revois, mon amour,
dedans,
m a l

(MIELE)
Franz aux doigts qui s’agrippent à la rambarde
mais les miens qui ne se détachent pas assez vite
de ceux
si doux
de Sphinx

(SPHINX)
Première lame sur le navire
mouille tout le pont,
me détache de Miele

(MIELE)
je vois Franz qui tombe,
dans l’eau
dans les cadavres
qui roulent sur le plancher
sont partout
omniprésents
yeux vides
c a u c h e m a r

(FRANZ)
le soleil est mort
mort comme tout

(MIELE)
tout tangue

(SPHINX)
Deuxième lame,
deuxième chaos.

(MIELE)
chaos nuance ecchymoses


(SPHINX)
Troisième lame,

(FRANZ)
Septième ciel
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franz
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Mar 5 Fév - 13:17

la chute

quand mon corps vient à la rencontre de la claque glaciale de l'immensité devenue chair,
je me dis que c'est maintenant que tout se joue.
que si je dois choisir, ce ne sera ni demain, ni après.
là haut c'est le désastre, les nuages font tomber les larmes et alors que tout voudrait sombrer une vague encore remonte le bateau, l'empêche de couler.
ici je n'entends plus rien ou presque, allongé dans les bras inertes et les dos flétris, sous le crachin diluvien, les caprices du temps.
alors que tout se déchaîne, oui, enfin, moi, je trouve le repos, et c'est dans mon silence que je sombre à mon tour.
plus je descends plus le froid devient morsure,
et à un moment,
je voudrais remonter,
mais je n'y arrive pas.
à quoi bon se sauver si plus rien ne peut me remonter ?
me reviennent plusieurs mots
plusieurs phrases,
des chansons,
ce voyage, ce sera aussi ta mort
je n'ai pas trouvé la paix, coryphée
j'aurais voulu tout recommencer,
tout plaquer pour devenir mouette
tout plaquer pour devenir mouette,
j'y croyais.
j'y croyais tellement.
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Claire Bleu
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Mar 5 Fév - 13:18

l'envol

Je sens moi aussi Franz qui bascule,
et la tempête,
tout qui se découd,
fantaisie impromptue.
Quand je le sens tomber je perds espoir, cette chose qui pour certains n'est qu'un mot, qu'une illusion, quelque chose de merveilleux, indéfini, pour d'autres une réalité abstraite mais quelque chose auquel se raccrocher.
C'est inéluctable, nous allons mourir aussi. Je le sens au fond de moi comme l'ultime promesse de ce voyage inoubliable vers l'horizon que nous n'atteindrons jamais.
Nous sommes arrivés là où on ne peut plus s'enfuir, où l'on doit faire face au destin, la faute à pas de chance, comme pourrait le croire Sphinx.
Moi aussi j'y croyais à cet instant ou deux à oublier, mais tout est revenu, trop vite, la tempête elle aussi est apparue, emporte un à un les morceaux de joie que nous avons empilé à bord de les fées mer.
Je pense à mon père qui s'est éteint, pris dans les ténèbres pour la première fois de sa vie juste avant sa mort.
Elles sont là, perpétuelles, avec moi.
Mais autour tout est noir pour les autres aussi et les lames qui éclaboussent le pont n'amènent pas des sirènes mais tous les marins morts au large, loin de leurs femmes, et les dunes. Je revois un instant le village que j'ai quitté pour m'envoler, mes souvenirs, eux, sont ténus, n'ont jamais été aussi pastels qu'aujourd'hui, oui, j'entrevois un moment de poésie.
Un éclat lumineux, qui m'enveloppe toute entière.
M'emporte,
pour toujours.
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paula
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Mar 5 Fév - 13:20

l'éphémère

Dernier chapitre pour Paula qui tremble comme une princesse arrachée à son promis. Le vent a tourné, l'a orientée vers un destin plus sombre, plus lugubre. Elle ne voit plus rien, le sel est entré dans ses yeux, les vagues qui se jettent sur elle et sur ses compagnons reviennent, inlassables, la déshabiller.
Elle veut se raccrocher à Miele qui est à deux pas, mais glisse, tombe, son menton frappe le plancher, elle perd connaissance.

Quand elle reprend ses esprits, elle est entourée de corps glacés, toujours sur le pont, et entre ces morts, elle hurle. Il y a dans tous ces macchabées toutes les blessures qu'elle essayait de réparer avec ses potions de sorcière, ses grigris de misère. Elle ne sait même plus d'où elle vient et elle a si froid, si faim, d'un coup.
Ce serait si simple de se laisser aller.
Elle ne voit plus personne sur le bateau, se sent abandonnée. Il n'y a que ces cadavres figés pour une pseudo-éternité, ses cris qui s'effondrent avant de résonner.
Comme un poignard en pleine poitrine, le mot éphémère vient à sa rencontre.
Tout s'éclaire.
C'est la fin.
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sphinx
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Dim 10 Fév - 11:50

la proue

Il murmure alors quelques mots, se tenant bien droit sur la proue, là où se tenait Claire.
Il murmure une prière adressée à l'océan, à Helmut s'il pouvait l'entendre. Des phrases entendues des années de cela, prononcées par quelqu'un, il ne s'en rappelle plus.
s'il te plaît ne m'oublie pas quand tout s'éteint,
car je sais que rien ne finira la chute,
car rien ne finit l'infini

Sphinx fait le vide dans son esprit, une dernière fois.
Brusquement, tout s'éteint. Lumière après lumière. Ombre après ombre. Il ne reste plus que les fées mer sur la mer. Il ne reste plus rien à part les mouettes rieuses, les nuages replets, les vaguelettes.
L'orage est passé.
Il est loin de ce malheur.
L'herbe est douce sous ses pieds, les anémones ont fleuri, les coquillages sont arrivés à destination.
Les bras de son amant l'étreignent,
il étreint la proue,
laisse la houle venir s'écraser sur son corps,
il imagine que c'est la brise du printemps.
Il est loin.
Il y reste,
jusqu'à ce qu'il se sente à son tour dévoré par les eaux.
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le coryphée
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Dim 10 Fév - 11:50

la mort du soleil

Quelque chose, en mer, se trame.
Au delà de l’horizon, des vaguelettes et de l’écume qui, avec ennui, se déversent sur la plage.
Dieu sait pourtant que là où quelque chose se trame, les vagues frappent la coque d’un navire, le chahutent, et que les femmes et les hommes accrochés sur l’embarcation ont peur.
Les lames déchirent les voiles, les vitres, l'eau se déverse dans le navire, emplit les chambres, emporte les jouets, les vêtements, tous les trésors des passagers.
Leurs mains qui agrippent les cordages se cherchent dans une dernière étreinte.
La tempête ne passe pas, car, quelque chose, en mer, se trame.
Ils n'auraient pas dû faire escale sur l'île.
Là bas, les nuages noirs n’envisagent pas le beau temps après la pluie.
La tempête est un cauchemar continu où se mêlent illusion et désespoir.
Les ténèbres, d’un coup, ont englouti Les fées mer.
Des yeux se ferment, Franz englouti,
Claire gisant sur la poupe,
Paula frigorifiée,
Miele, perdue entre les corps de tous les marins morts,
Sphinx, debout sur la proue qui s'enfonce vers les abysses.
Jamais plus la lumière ne tombera sur leurs visages.
Ils viennent d’assister à la mort du soleil.
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les fées mer

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